Association ‘’Anciens Aérodromes’’
Site Eolys- Aérodrome de Merville-Calonne LFQT
Rue de l’Epinette, 62136 LESTREM-France
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officier (sergent), je logeais chez l’habitant, et j’ai
tissé des liens avec mes hôtes, et avec certains
camarades, comme Roger Normand. Ce dernier
habitait avec Paulin (un géant !) chez Édouard et
Blanche Gontard, et moi chez leurs voisins Paul et
Germaine Saille. Tous se sont révélés des gens
charmants, affectueux et amicaux, que nous avons
revus plusieurs fois avec bonheur après la guerre.
Normand a épousé « en cas de pépin » sa fiancée
dijonnaise, Lydie, à Vinon. Son fils Jacques est né
là-bas. Deux sous-officiers du 2
ème
Groupe du
groupe Gatineau, qui a plus tard travaillé chez
Dassault, et un sergent-chef alsacien ont épousé
des filles de Vinon, et se sont plus tard installés
dans le pays. C’est dire si l’accueil était amical !
C’étaient
les
dernières
semaines
d’insouciance, et les larmes me viennent aux yeux
quand je repense à tous ces compagnons fauchés
si peu de temps après.
On volait dans la vallée de la Durance, où
les pilotes chevronnés passaient sous les ponts
suspendus. Je vous jure que c’est un sacré
exercice ! Et la piste bombée au niveau de la ferme
de La Désirade était traitresse. Au départ de Vinon,
en vol, l’entraînement au tir se faisait (trois fois,
dans mon cas) au large d’Hyères, nous partions
avec des bombes d’exercice et on tirait avec les
mitrailleuses sur des biroutes remorquées par de
petits avions.
Douze Potez 633 et leurs équipages
d’active, sont partis le 6 mars 1940 pour aider la
Finlande. Les gars ont reçu des tenues civiles et ont
signé une lettre de démission de l’Armée de l’Air
ayant ainsi un statut de mercenaires (volant tout de
même sur des avions militaires français…). Ils ont
attendu quelques jours au Bourget, puis à partir du
11 à Tangmere, en Angleterre, les autorisations de
survol de la Norvège et de la Suède. Elles sont
finalement arrivées en même temps que l’annonce
de l’armistice entre la Finlande et l’URSS. Ils sont
alors repartis pour Vinon le 15 mars.
On a touché les Breguet 691 environ deux
mois avant l’offensive allemande. Ils n’étaient pas
au point. Les moteurs étaient fragiles, le rayon
d’action était trop faible, et surtout le train était
sous-dimensionné pour un avion aussi court et
aussi rapide à l’atterrissage.
Il y a eu de nombreux accidents. Le colonel
Demery, qui venait piloter de temps en temps, en a
bousillé plusieurs. Nous avons touché ensuite des
693 à moteurs Gnôme & Rhône, et tout à fait sur la
fin, quelques 695 avec leurs moteurs américains
P&W Twin Wasp.
Le changement de moteurs n’a pas
amélioré les mauvaises qualités d’atterrissage, ni la
faible portance de la voilure, comparée aux Potez
63. Par contre, les performances étaient meilleures
en matière de vitesse et de rayon d’action. Les
compresseurs rétablissaient à 1500 m, avec une
vitesse de 480 km/h (le Breguet pouvait semer les
Morane 406 des patrouilles de protection). Par
contre, en vol rasant, il n’atteignait pas le 400.
Le Breguet était un avion très compact,
seulement blindé au niveau des sièges des deux
occupants : soumis aux tirs du sol, l’avion lui-même
n’était pas protégé, et les pertes tragiques que nous
avons subies en sont en partie la conséquence.
Le pilote avait une charge de travail trop
importante pour lui tout seul. En plus du pilotage
proprement dit (en vol rasant, n’oubliez pas), il
faisait sa navigation, visait et larguait les 8 bombes
de 50 kilos placées dans la soute ventrale,
actionnait le canon Hispano de 20 mm (60 coups)
et les deux mitrailleuses MAC de 7,50 mm placés
dans le nez. S’il était en plus chef de mission ou
d’escadrille, on comprend qu’il fallait des gars
« sensationnels » aux commandes !
Relié à lui par un laryngophone Erikson, le
mitrailleur arrière actionnait une mitrailleuse mobile
de 7,50 mm défensive arrosant, parfois, les
objectifs bombardés lorsque le cas se présentait. Il
disposait également d’une 7,50 dans le fuselage,
tirant obliquement vers le bas et l’arrière. Je fus
moi-même le mitrailleur du sous-lieutenant Legrand,
une fois affecté au II/54, et c’est avec lui que je
participai aux missions d’attaque des colonnes
allemandes. C’était un homme assez distant, un
peu fils-à-papa, faisant sentir que je n’étais pas de
son monde. Un bon pilote aussi : la preuve, c’est
qu’il m’a ramené sain et sauf à chaque fois !
En zone de combat, les communications
étaient inexistantes entre les avions, et c’était
rapidement l’ordre du « chacun pour soi, liberté de
manœuvre ».
Cela
se
traduisait,
réglementairement, par une manœuvre d’école
simpliste : si l’objectif était trouvé, le commandant
de formation le prenait en enfilade, et tous les
autres suivaient, à la même altitude minimale,
espacés de 500 mètres. Je vous laisse imaginer
l’accueil de la flak pour les avions qui venaient les
derniers. Beaucoup de mes camarades y ont laissé
leur peau…
La désignation des objectifs était médiocre :
les renseignements des avions d’observation
passaient par l’Armée de terre avant de remonter
au quartier général. Beaucoup de temps perdu et
de désignations imprécises des objectifs. Le
Groupe n’était jamais en communication avec les
unités terrestres alliées qui auraient pu guider
efficacement les avions.
Le GB.18 monte au combat
Nous avons quitté Vinon-sur-Verdon le 5
mai 1940, pour arriver à Roye, dans la Somme, le
10, via Dijon et Nangis. Le I/54 du commandant