Association ‘’Anciens Aérodromes’’
Site Eolys- Aérodrome de Merville-Calonne LFQT
Rue de l’Epinette, 62136 LESTREM-France
11
Témoignage
Improbable trajectoire
Souvenirs d’Henri Minot,
appelé dans l’Armée de l’Air
1938-1942
Henri Minot
Entretien recueilli par
Patrick Vinot Préfontaine
Il faut que je vous dise… Né à Paris 13
ème
le 21 octobre 1919, j’appartenais à la classe qui
aurait dû faire les camps de jeunesse du colonel de
la Porte du Theil puis partir sous les drapeaux au
moment de la guerre. Mais - je me demande encore
par quelle négligence – j’avais oublié de me faire
recenser à la mairie ! Un copain qui allait partir dans
l’artillerie m’a, un beau jour du printemps 1938,
demandé quand je partais moi-même, ce que
j’ignorais totalement. Il a fini par me dire que je
n’allais pas tarder à être considéré comme
insoumis, ou même déserteur, et que je risquais
purement et simplement le bataillon disciplinaire.
Or, casser des rochers sous le soleil de Tataouine,
très peu pour moi ! Il fallait trouver rapidement une
solution.
« Encore un pistonné ! »
Il se trouve que ma mère, Berthe Minot,
travaillait dans une grande maison de couture et
qu’à titre de cliente personnelle, elle habillait la
femme du général Vuillemin. Rendu célèbre par la
Croisière Noire, il était devenu Chef d’État-Major
Général de l’Armée de l’air. Ma mère sonda le
terrain auprès de son épouse, qui évidemment n’y
entendait rien et suggéra de contacter son mari.
Voilà pourquoi, en plein préparatifs de guerre, le
général Vuillemin reçut ma mère, venue lui
expliquer les inquiétudes d’un fils inconséquent…
Le général, très courtois, lui confirma que
ma situation était grave et que les Bataillons
d’Afrique n’étaient pas une vue de l’esprit ! Il prit
ensuite la peine de lui indiquer la marche à suivre
pour arranger ça : je devrai aller « spontanément »
au Bureau de la Place à Paris et demander à être
incorporé par devancement d’appel. Ce n’était pas
un engagement : juste une incorporation anticipée
permettant de choisir son arme. Le général
Vuillemin suggéra évidemment l’Aviation.
Je me présentai donc, tremblant comme
une feuille, prétendant avoir oublié la feuille
d’inscription en mairie. Tout se passa sans pépins.
On me demanda quelle était mon affectation
préférentielle : Villacoublay ou Le Bourget-Dugny.
Comme il aurait fallu prendre le train à Saint-Lazare
pour rejoindre Villacoublay, je choisis Dugny,
joignable depuis Paris en autobus. Je reçus donc
une feuille me demandant de me présenter à la
Compagnie Aérienne 104… feuille à laquelle fut
bientôt annexée une lettre personnelle du général
Vuillemin ! Ma mère alla en effet plaider de nouveau
ma cause : avec une formation d’électricien, je
suivais alors des cours aux Arts & Métiers deux
jours par semaine en vue d’entrer aux Chemins de
Fer. Serait-il possible de poursuivre ces cours après
l’incorporation ? C’était si naturel à ses yeux que,
contre toute attente, le général acquiesça !
Je me présentai donc à Dugny le 12 mai
1938, non seulement en retard d’un mois sur mes
camarades, mais en plus porteur d’une lettre du
Chef d’État-Major ordonnant qu’on me libère deux
jours par semaine ! A cet âge là, je n’en menais tout
de même pas large… Le lieutenant déjà âgé qui me
reçut lâcha « Encore un pistonné ! » … et me mit
systématiquement de garde les dimanches, histoire
de compenser.
A Dugny, je fis mes classes et le peloton,
ce qui me permit de passer cabot (caporal). Je fus
finalement affecté au Groupe de Bombardement
d’Assaut I/54 en qualité d’électricien-avion, fonction
à laquelle je ne connaissais rien, venant du
bâtiment. J’étais affecté à la voiture des réparations
électriques avec un nommé Le Goubin. J’ai