Magazine 2A Anciens Aérodromes - page 539

Association ‘’Anciens Aérodromes’’
Site Eolys- Aérodrome de Merville-Calonne LFQT
Rue de l’Epinette, 62136 LESTREM-France
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Des terrains, des avions et des hommes
Souvenirs du Stinson de Lille-Ronchin
Au cours des recherches sur le terrain d’aviation de Lille-Ronchin (début des années 1980), j’ai rencontré
des personnages ayant été membres de la Section d’Aviation Populaire de la fin des années 1930. L’un deux,
Georges Dekoninck, m’a énormément aidé durant toutes ces années de découvertes d’un univers qui a enchanté
nos parents. Parmi ses souvenirs essentiels, l’un est ressorti presque instantanément. Il existait avant guerre à
Lille-Ronchin un avion américain : Un STINSON. « Appareil sensationnel pour l’époque et très moderne, d’une
couleur particulière ».
Un ancien de l’IMFL (ONERA Centre de Lille aujourd’hui), Joseph Pauriche, ayant lui aussi appartenu à
cette section de « La Popu », m’a raconté deux anecdotes sur cet avion qui a marqué les esprits : «J’étais de
passage sur le terrain et l’on m’a
convié
à laver cet appareil en contrepartie d’un petit tour dedans.
L’instrumentation était très sophistiquée pour l’époque » ; « Une cendre de cigarette étant tombée sur le
revêtement de l’avion, celui-ci se mit à brûler. L’avion fut vite revendu. La légende raconte que cet appareil brûla
peu de temps après au Bourget. » Cette seconde anecdote restait à vérifier mais d’après les dires d’une autre
personne cela
ne s’est pas
produit.
En effet, après quelques pérégrinations pour retrouver le vrai propriétaire, j’ai reçu une lettre bien
sympathique de Monsieur Louis Dubois, qui était alors (1983) âgé de 81 ans. Cette lettre était dactylographiée sur
un papier à entête des « Transports Edouard Dubois et Fils ». De plus, elle fut suivie quelques jours après d’une
superbe reproduction de la photo du Stinson F-AQJK.
Encore
plus, celle-ci avait dû être prise sur le terrain
d’aviation de Lille-Ronchin.
« Paris le 11 mars 1983
Cher "compatriote",
J'ai bien reçu votre lettre du 8 mars
dans laquelle
vous parlez de la reconstitution que vous essayez de faire de
l'histoire de l'époque de l'aviation populaire à Lille-Ronchin.
J'ai retrouvé malheureusement une seule photo dans mon propre bureau, et j'ai prié une de mes collaboratrices
de bien vouloir la faire retirer, de telle manière que vous pourrez, si vous le désirez, la conserver comme souvenir
qui reste pour moi la preuve d'une excellente période que je ne suis pas près d'oublier.
Vous vous rappelez qu'il s'agit du Stinson. C'était un gros quatre places, genre voiture américaine au plan confort.
Le moteur était un Lycoming, neuf cylindres en rond. Vous avez raison, mon appareil était noir, mais il
m
'a apporté
beaucoup de satisfactions. Ses qualités ont fait que dans certaines circonstances où l'on prenait des risques, cet
avion vous "pardonnait''.
Entre
-
autres, je me souviens d'un départ de Cannes. Nous avions deux avions. Un de mes amis partait par
l'intérieur pour aller sur l'aérodrome de Mazamet et moi je préférais la mer.
Le hasard a voulu que mon choix ne fût pas le meilleur. A partir de Montpellier, il y a eu un orage exceptionnel et
nous étions tabassés, la pluie tombait à verse. Il m'a donc fallu, étant donné le manque de visibilité, prendre une
décision raisonnable ou pas. J'ai pris la moins mauvaise et ai atterri dans le vignoble d'un château près de
Carcassonne.
Rassurez-vous, j'avais pris le vignoble dans le bon sens, c'est-à-dire dans le sens des fils de fer. J'y ai laissé
simplement ma roue de queue, ce qui n'est pas grave. Nous avons repris l'appareil le lendemain.
Tout cela pour la petite histoire...
En dehors de cela, pendant les quelques années au cours desquelles je me suis servi du Stinson, j'ai eu de très
grandes satisfactions et une passion qui ne s'est éteinte que parce que la guerre est arrivée, si bien que quelque
temps avant que les Russes aient attaqué la Finlande, je me suis dit qu'après tout autant que cet appareil serve à
quelqu'un, en l'occurrence à un pays sympathique qui était sur le point d'être envahi.
L'appareil est d'ailleurs, d'après ce que j'ai entendu dire, resté quelque part entre Dunkerque et Calais, mais
qu'importe, à partir du moment où l'on prend la moins mauvaise décision, le destin fait le reste.
Tous mes vœux pour la reconstitution que vous désirez faire et à laquelle je ne suis pas du tout insensible.
En attendant, mon amical souvenir à tous ceux qui ont connu Ronchin.
Pour vous-même, toute ma sympathie.
Signé : Louis Dubois »
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