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heures environ et qui devait être dirigé dans l’air au moyen d’ondes hertziennes. Les
Allemands avaient l’intention de charger chacun de ces aéroplanes d’une immense bombe et
de l’expédier ainsi par les airs en en confiant la direction à un aviateur monté sur un autre
appareil : celui-ci aurait dirigé tous ces aéroplanes sans pilote comme un berger dirige son
troupeau. Il aurait pu à volonté, faire descendre ces avions à l’endroit choisi par lui.
L’idée initiale était de mouvoir les bombes en utilisant l’essence comme force motrice. Ils
avaient perdu toute confiance dans les canons à longue portée. Naturellement, chacun de ces
aéroplanes sans pilote aurait été pulvérisé à l’explosion de la bombe, mais peu importait, car
l’appareil entier n’aurait pas coûté davantage que des obus envoyés par des canons à longue
portée, et il est certain qu’il se serait révélé beaucoup plus sûr et d’une puissance destructive
beaucoup plus grande.
Bien entendu mes plans furent adoptés immédiatement, mais le gouvernement allemand
voulut construire lui-même. Il ne réussit qu’à perdre plusieurs mois. Dans le courant de l’été
1918, le ministre de la Guerre me passa un ordre important de ces appareils et j’étais prêt à en
construire de grandes quantités quand la fin de la guerre arriva. »
Les « dénigreurs » s’empresseront de dire : « Voyez les Allemands, tandis que nous… » Ce
serait une injustice et une inexactitude. Car nous aussi nous avons connu les avions sans guide
pendant la guerre et nous avons subi la même infortune que l’ennemi pour la même raison. Au
lieu de confier les recherches à des industriels qui auraient eu intérêt à produire,
l’Aéronautique voulut agir elle-même, piétina sur place, ne sut pas encourager et ne put
dépasser la période des tâtonnements. Au Crotoy, des expériences furent faites avec un avion
Voisin n’ayant personne à bord, dirigé par un autre. Malheureusement, l’avion fantôme,
beaucoup plus léger, puisque sans équipage, distança rapidement son « chien de berger » et,
après une demi-heure environ de poursuite, s’éclipsa dans le lointain et se perdit en mer.
Depuis quelques mois, les travaux ont été repris au même endroit et ne sont d’ailleurs pas
menés avec la rapidité désirable. De multiples obstacles, provenant uniquement des bureaux,
empêchent d’obtenir le succès espéré et inévitable, qui provoquera une révolution dans la
locomotion aérienne et surtout dans l’armement de demain.
Car, on peut d’ors et déjà avec un seul avion « chien de berger », diriger cinq ou six appareils
placés sous sa conduite. Dans deux ou trois ans, les progrès de la télémécanique permettront
de se priver du « chien de berger » et c’est d’une base située à des centaines de kilomètres
qu’un officier, au moyen de pressions sur des boutons divers, fera agir à sa guise l’escadre qui
voguera selon des ordres, sans personne à bord.
Ces petits canots de tir, chargés d’explosifs, répandront leurs projectiles là où il conviendra.
Ils ne nécessiteront que des frais infimes et des milliers pourront être fabriqués en série. Ils
répandront la terreur en ne faisant courir aucun risque à la nation qui les utilisera.
Telle sera l’arme la plus atroce des temps futurs. La guerre à distance ne sera dangereuse que
pour le pays attaqué, l’agresseur n’ayant rien à redouter. C’est pourquoi il ne nous reste qu’à
souhaiter de posséder le plus tôt possible l’armée la plus perfectionnée d’avions fantômes.
Encourageons les recherches et n’hésitons pas à donner aux inventeurs toutes les facilités
nécessaires aux réalisations multiples dont ils sont capables de nous doter.